Loos-en-Gohelle, 7000 habitants, aurait pu se perdre dans le néant de l'après-mine. Le 3 décembre, tous les regards devaient pourtant être braqués sur elle. C'est ici qu'un millier de représentants du monde entier devaient venir chercher des pistes pour l'avenir de la planète à l'occasion de la seule sortie prévue lors de la COP21,
la conférence sur le climat. Suite aux attentats, ce déplacement
est annulé. Loos-en-Gohelle n'en reste pas moins un exemple en matière de développement durable. Retour sur le pari fou d'une ville emblématique de la première révolution industrielle, finalement devenue le laboratoire de la troisième...
Des gueules noires au nouveau visage
31 janvier 1986. La fin de 113 ans de mine à Loos-en-Gohelle, initialement petit village agricole. Son héritage? Un paysage défiguré: neuf puits et huit terrils, un sol abaissé de 15 mètres, des maisons souvent bonnes à détruire. Et la vie de générations de Loossois façonnée par la mine, du logement à l'école, en passant par l'église. Puis un dilemme: faire table rase de ce passé minier ou conserver ce patrimoine, se le réapproprier pour aller vers autre chose et retrouver l'initiative confisquée par la mine paternaliste.
Dans beaucoup de villes minières, on choisit à l'époque la première option.
Pas à Loos-en-Gohelle. Quitte à se faire taxer de "passéiste incapable de regarder la réalité en face", racontera plus tard le maire de l'époque, Marcel Caron. Et le lieu qui focalise alors toutes ses attentions, c'est le site du 11/19, dernière fosse à fermer, symbole « de la destruction des ressources, du paysage et des hommes ». La friche minière allait devenir le laboratoire de la "reconquête". Restait à savoir sous quelle forme. Comme par opposition à l'industrie court-termiste du charbon, ce fut celle du développement durable, impulsée par l’arrivée aux manettes, en 2001, du fils écologiste du maire, l’édile actuel Jean-François Caron.
Et comme la mine avait laissé son empreinte dans tous les aspects de la vie, cette nouvelle approche devait se traduire partout, du toit de l'église couvert de panneaux solaires à la rénovation des corons aux normes HQE, en passant par la sauvegarde du patrimoine minier. Le tout, en permettant aux Loossois de redevenir acteurs de leur ville, au sens propre comme au sens figuré.
Ce fut le cas dès la fermeture de la mine avec le spectacle « Terre d’en haut, Terre d’en bas ». Joué sur le terril du 15, avec la participation d’anciens mineurs et d’agriculteurs, il mettait en scène la rencontre entre le monde paysan et celui de la mine. (Voir photo)
Même communion de la population en 2010 lorsque quelque 400 loossois entourent l’un des terrils jumeaux d’une écharpe tricotée de leurs mains. (Voir photo)
Après la mine, la résilience
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Le 11/19, empreinte du passé
et laboratoire de l’avenir
Après avoir connu deux guerres, le site minier du 11/19, qui a fait travailler jusqu’à 5000 hommes au fond, à l’extraction de ressources forcément épuisables, pouvait-il survivre à la fin de la mine ? Mieux, il allait devenir l’épicentre du rêve durable loossois…
Loos-en-Gohelle, ses cités et ses terrils bien sûr. Huit y ont été édifiés, parmi lesquels les fameux jumeaux du 11/19, aujourd’hui les plus visibles, qui culminent à 186 mètres de hauteur. Ils auraient pu rester des sites voués aux déchets et interdits d’accès, comme du temps des mines, ou devenir tout au plus un point panoramique.
Et pourtant. Et pourtant, très vite, à la fin des années 1980, des associations se rendent compte de leurs richesses insoupçonnées et veulent les préserver. Que ce soit au nom de la défense de la nature, du cadre de vie ou du patrimoine historique et culturel.
En 1989, est ainsi créée l’association Chaîne des Terrils, installée dès 1995 sur le site du 11/19. Son objectif est triple: protéger, valoriser et animer les sites laissés par l’activité charbonnière dans tout le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. «Nous qui étions tous noirs et tous pollués, il fallait montrer à quoi pouvait ressembler le paysage minier après la mine», explique Hélène Decarnin, guide et animatrice à la Chaîne des Terrils, qui organise des visites guidées sur de nombreux terrils.
Et les obstacles sont à l’époque nombreux. «Les gens ne comprenaient pas notre démarche, poursuit Hélène Decarnin. Les mines étaient fermées, il fallait faire table rase de ce passé». En 1992, la Chaîne des Terrils parvient néanmoins à faire adopter par Charbonnages de France une charte de valorisation des terrils. Une incompréhension qu’on est loin de s’imaginer, à l’aune des reconversions spectaculaires de certains terrils. Si on fait du ski sur celui de Noeux-les-Mines, on arpente l’un des jumeaux de Loos-en-Gohelle comme on suit un itinéraire de découverte de la biodiversité.
Chaque année, la Chaîne des Terrils mets en place des suivis naturalistes, afin de connaître l’évolution des peuplements faunistique et floristique des terrils. C’est que ces monticules laissés par l’homme ont finalement donné naissance à un écosystème assez différent de celui de la région, grâce à une sorte de micro-climat et à la composition singulière de leur sol.
Sur les terrils, vierges d'engrais et de pesticides, des lézards des murailles côtoient des papillons Machaon au beau milieu de plantes méditerranéennes ou exotiques, comme le Sénéçon du Cap, une plante venue d’Afrique du Sud qui a fait le voyage avec les importations de coton qui alimentaient au temps des mines l’industrie textile du Nord-Pas-de-Calais.
Richesses naturelle et historique se croisent donc au sommet des terrils, comme à leur pied. Car la Chaîne des Terrils veille aussi à la préservation des infrastructures charbonnières, comme de la mémoire minière. Alors, s’installer dès le milieu des années 1990 sur le 11/19 à Loos-en-Gohelle tombait sous le sens. «On est sur un site emblématique d’un passé industriel, avec le carreau de fosse et les terrils, et où toutes les facettes du développement durable sont représentées», se réjouit Hélène Decarnin. «Et le site n’est plus une zone interdite, les gens le traversent pour aller d’un endroit à un autre, note-t-elle, constatant «une réappropriation des lieux par la population». La condition, semble-t-il, pour avoir pu passer à autre chose.
Historique du 11/19
Les terrils, des déchets à la biodiversité
Les terrils,
des déchets à la biodiversité
Le seul reproche que l’on peut faire, c’est que les communes aux alentours ne savent pas toujours ce qu’il se passe à Loos-en-Gohelle. Nous, quand on en parle aux Liévinois, par exemple, ils ne savent pas ce qui est organisé ici. C’est aux différentes municipalités de se mettre en relation afin de créer une dynamique commune. Mais, politiquement, peut-être n’arrivent-elles pas à se coordonner ? On trouverait vraiment intéressant que Lens, Liévin, Avion ou d’autres villes suivent un peu le mouvement. Nous, ce qu’on voit ici, à Loos-en-Gohelle, on trouve ça intéressant. »
Sandrine (44 ans), Julie (19 ans), Stéphanie (19 ans) et Sidonie (16 ans)
TEMOIGNAGES
Éco-transition :
la preuve par la démonstration
Montrer et démontrer. C’est la méthode qu’a choisie le CD2E sur la base 11/19, pour accompagner les entreprises de la région vers l’éco-construction ou encore les énergies renouvelables.
Démontrer que l’énergie solaire peut tout aussi bien être produite dans le Nord-Pas-de-Calais ? Installé au pied des terrils, Lumiwatt, un champ de 22 panneaux photovoltaïques, utilisant 10 technologies différentes, permet d’identifier celles qui sont le plus adaptées à notre région.
Montrer que le chanvre, le liège, ou encore le Métisse, fabriqué à partir de vêtements recyclés par le Relais à Bruay-La-Buissière, peuvent remplacer la laine de verre ou le polystyrène, à condition d’être bien utilisés ? Le théâtre de l'éco-construction met en scène les bonnes pratiques pour une isolation optimale : techniques de pose, épaisseurs à respecter…
Un accompagnement accueilli diversement par les professionnels du secteur, selon le directeur du cd2e, Christian Traisnel. Car si les architectes et certaines grosses entreprises ont déjà « anticipé » cette évolution de leur secteur, explique-t-il, les petits artisans, quant à eux, « découvrent » et ont plus ou moins de difficultés à s’adapter.
Démontrer, en situation, que les éco-matériaux peuvent avoir une performance énergétique au moins égale à celle des matériaux traditionnels ? C’est le pari grandeur nature lancé avec Réhafutur. Premier objet de l’expérience, une ancienne maison d’ingénieur des mines, dont la consommation énergétique a été divisée par 12.
Sous sa toiture, de la fibre de bois, sous son plancher, du liège, sur sa façade nord, de la fibre de lin, sur sa façade nord-est, de la laine de mouton… Et à l’intérieur de cette maison vitrine, des dizaines de capteurs, pour évaluer le comportement de chaque matériau.
Prochaine étape, ancrée davantage encore dans le concret, Réhafutur 2 va s’attaquer à des habitations occupées. Six logements miniers, deux à Loos-en-Gohelle mais aussi deux à Lens et deux à Liévin, seront rénovés avec des éco-matériaux. L’expérience implique un nouveau défi pour le CD2E : expliquer aux habitants comment on vit dans une maison à très basse consommation d’énergie.
Déjà, en 2009, la Fédération Française du Bâtiment avait construit six maisons à haute performance énergétique près de la base 11/19, deux en maçonnerie, deux en bois et deux en acier. Objectif : l’expérimentation et le développement d’une centaine de nouvelles technologies et techniques d’écoconstruction. Ces mêmes techniques qui sont enseignées au centre de formation de la Fondation d’Auteuil, récemment implanté près de la base 11/19.
Et au-delà de ce centre névralgique, dans la ville de Loos-en-Gohelle, ce sont quelque 150 logements qui, à des degrés divers, ont été éco-construits. Car il s’agit bien de démontrer pour in fine généraliser…
« On traverse régulièrement la base du 11/19 pour aller faire nos courses de l’autre côté des terrils. Cela nous fait plus court pour traverser la ville. De manière générale, tout ce qui a été fait ici pour réhabiliter un territoire marqué par l’extraction minière a un vrai sens. On sent la population assez fière de ce qui a été fait pour préserver l’histoire de ce lieu. Pour les jeunes générations, on trouve ça important que ce passé ne soit pas oublié. Des sorties scolaires sont régulièrement organisées pour que les jeunes sachent à quoi servaient les chevalets. La COP21 ? Ça ne nous dit rien. On n’est pas toujours au courant de tout ce qui est organisé par la mairie, mais on se sent bien dans cette ville.
«Nous avons assisté à une formation du CD2E. C’était évidemment intéressant. Et puis, de toutes les manières, nous n’avons pas le choix. Nos emplois évoluent. On se doit, dans la mesure du possible, d’être concerné par ces formations afin d’être au plus proche de ce que sera notre métier dans le futur. Le problème, c’est qu’il est parfois difficile de trouver des créneaux, dans nos emplois du temps, pour caler ces journées d’information. Aussi, on entend quand même souvent, au sein du métier, que ces formations sont trop généralistes et pas forcément ciblées.
A Loos-en-Gohelle, il y a une démarche assez particulière, c’est vrai. Mais il ne faut pas croire qu’elle est unique. On voit des normes encore plus poussées, en termes d’écoconstruction, dans d’autres secteurs de la région, comme à Arras par exemple. Les solutions viennent souvent des industriels. Dans notre secteur d’activités, les habitudes sont réelles et il n’est pas toujours simple de faire évoluer les méthodes de boulot. Mais, si on veut répondre aux impératifs du futur, on n’a vraiment pas le choix. »
Christophe (39 ans, St-Omer)
et Christophe (48 ans, Ambleteuse)
LOOS-EN-GOHELLE :
L’exception discrète
Loos-en-Gohelle sera au cœur de la COP21 le 3 décembre. Pour la municipalité, ce jour aura une signification toute particulière. Il viendra souligner les efforts effectués sur un territoire que beaucoup, à la fin des années 90, imaginaient perdu. Mais en quoi est-ce une ville si caractéristique ?
On ne va pas se mentir : la première fois que nous avons déambulé dans Loos-en-Gohelle, les spécificités de la cité minière ne nous avaient pas sautées aux yeux. Où étaient donc nichées ces fameuses particularités qui feraient de la ville un véritable laboratoire à ciel ouvert ? A l’ombre des célèbres terrils jumeaux, il est aisé de se camoufler. Mais, tout de même, nous n’avions pas franchement été frappés par la supposée singularité de l’endroit.
C’est alors que nous avons rencontré Valérie Caron. Amoureuse de la cité loosoise, elle a profité d’une jolie journée d’automne pour nous guider à travers une ville dont l’originalité s’est finalement dévoilée sous nos pas. D’une place de la mairie où tout un chacun peut venir cueillir un peu de menthe pour agrémenter son plat dominical à ce théâtre en plein air, installé sur un ancien terril, qui permet des spectacles dans un cadre verdoyant, en passant par ces 15 kilomètres de ceinture verte donnant aux Loosois la possibilité d’arpenter leur ville en toute quiétude, les multiples aménagements se fondent dans un paysage globalement très agréable. Ici, les bailleurs sociaux doivent respecter des normes strictes imposées par la municipalité.
Et puis, il y a l’église Saint-Vaast, symbole ultime de cette évolution en petites retouches. Le toit de l’édifice religieux est en effet orné de panneaux photovoltaïques. Alors que les ardoises d’antan étaient devenues dangereuses par temps de grands vents, obligeant même parfois les services municipaux à fermer la ruelle par laquelle on y accède, la décision a été prise de profiter de la rénovation pour y installer ces panneaux à énergie solaire au printemps 2013.
Du côté des élus, on rappelle que ce changement puise sa nécessité dans des raisons économique et écologique. Elles sont également politiques, évidemment. Mais la mission est une réussite puisqu’elle répond à une partie des besoins énergétiques de la ville, tout en évitant des frais de restaurations fréquentes que nécessitait l’ancienne couverture. Visuellement, l’église, qui a vécu cet étonnant lifting, ne dépeint pas dans le paysage. De nombreux visiteurs n’ont d’ailleurs probablement pas remarqué ce toit photovoltaïque. La métamorphose tranquille comme un leitmotiv.
Si Jean-François Caron, le maire de la ville, est omniprésent dans les médias lorsqu’il s’agit de vanter le travail spécifique effectué ici, la ville a donc fait évoluer son territoire en toute discrétion depuis 1986 et la fermeture du dernier puits d’extraction dans la commune. Le 3 décembre 2015, il ne sera plus question d’être discret. Le passage de la COP21 viendra donner un véritable coup de projecteur sur la mutation de Loos-en-Gohelle, ce bout de Pas-de-Calais chargé d’histoire devenu une petite fenêtre d’espoir pour l’avenir de notre planète.
D’un village agricole qui a vu des terrils pousser
et des cités s'étaler autour de chaque fosse,
Loos-en-Gohelle est devenue une petite ville
avec plusieurs quartiers, parfois excentrés.
Certains terrils ont laissé place au vert,
et les corons sont parfois méconnaissables…
112 m
de capacité de récupération d’eau pour les bâtiments de la Ville, soit
trois semaines d’autonomie
3
146
logements éco-conçus hors bâtiments municipaux, dont 82 éco-construits,
709 en projet
103
associations
350
emplois créés entre 1999 et 2009, dont 100 sur la base 11/19
177 700 kw/an
Production photovoltaïque 177700kw/ an soit la consommation annuelle de 69 ménages et l’économie de 2,9 tonnes de CO2/an, 50% produit par les habitants (31 ménages)
8
Le nombre de terrils
à l'époque minière
186 m
Les terrils du 11/19 mesurent 186 mètres
7000
habitants à l’heure actuelle.
900 en 1820, 8000 en 1966,
dont 5000 mineurs.
Le « fifty-fifty »,
cet exemple de démocratie participative
La municipalité tente par tous les moyens d’intégrer les habitants aux différents projets mis en place. Mieux : les initiatives des Loossois sont encouragées. On pense notamment au « fifty-fifty », ce dispositif qui permet aux associations, aux écoles ou à de simples regroupements d’habitants d’aller au bout de certaines envies. A Loos-en-Gohelle, la commune peut par exemple soutenir financièrement et techniquement la mise en place d’un parterre fleuri ou d’une initiative de quartier pour améliorer le cadre de vie. Charge ensuite aux initiateurs du projet – les Loossois donc – de s’occuper de ces nouvelles infrastructures et de les rendre pérennes. Le « fifty-fifty » est un bel exemple d’un modèle de « démocratie participative » à laquelle les autorités locales tentent d’accéder. Avec plus ou moins de réussite, il est vrai.
On en veut pour preuve le potager urbain installé au cœur du centre-ville. Jeannine et Romain, tous deux septuagénaires, sont de ceux qui donnent du temps pour leur commune. Ils sont préposés à la gestion de cet espace où on fait pousser toutes sortes de légumes destinés à être récoltés, en libre-service, par la population. « Il fallait des volontaires et on s’est présenté spontanément », expliquent-ils de concert. Depuis, ils veillent à la bonne tenue de l’expérience. Mais tout n’est pas si simple.
« On a eu des pieds de thym ou de persil complètement arrachés, peste Romain. Les gens viennent se servir ici pour les replanter dans leur jardin. On a même vu quelqu’un venir d’Avion pour déraciner tout un pied de tomates encore vertes ! ». Jeannine tente de calmer son acolyte : « C’était peut-être pour faire de la confiture ?». Mais Romain n’en démord pas : « Le problème, c’est qu’il est écrit en grand « Servez-vous ». C’est une bonne chose mais il ne faut pas le faire n’importe comment ! Nous, on voulait aider à embellir notre ville et on imaginait un parterre floral, pas ce genre de potager où les carottes sont ridiculement minuscules ! ». Avant d’achever de laisser parler sa déception : « Enfin, au début, on était une petite dizaine pour gérer ça. C’était tout beau, tout neuf. Et, ces personnes motivées, elles sont où maintenant ? C’est un peu laissé à l’abandon. Certains ont une grande langue mais ont-ils des bras ? ».
Plus loin, une commerçante n’a pas les mots tendres avec ce potager urbain. « Franchement, plutôt que de faire ce potager où on ne voit quasiment jamais personne se servir ni s’en occuper, ne fallait-il pas construire quelque chose de plus utile dans cet endroit ? ». Comme ? « Eh bien, pour les clients des magasins, un nouveau parking par exemple ! ». Ici, la démocratie participative, dans une commune à sensibilité écologique, a aussi parfois ses loupés.
José Lemaire, de « Loos Rehab »
à la sensibilisation de la population
Adossé à sa maison qui jouxte une école primaire, José Lemaire ne s’arrête plus de causer. Lui qui se disait, il y a encore une heure, peu à l’aise devant les journalistes, n’en finit plus d’expliquer cette « expérimentation », qui s’inscrit dans le cadre du programme « Loos Rehab », à laquelle il participe.
Depuis cinq ans, ce sympathique trentenaire est en effet le locataire d’un logement construit à la fin des années 70. José Lemaire revient sur la rénovation de cette habitation avec des matériaux destinés à réduire la dépense énergétique. Ce « logement vitrine » vient de connaître un mois de travaux. Et le résultat semble à la hauteur des attentes de cet ancien attaquant du club de football local. « Au départ, quand on a loué cette maison, on sentait les courants d’air entre les murs, se remémore-t-il. C’était un véritable gouffre au niveau énergétique. Aujourd’hui, le bilan est clairement positif. Chaque jour, en termes de consommation de chauffage, je gagne une heure et demie d’énergie nécessaire par rapport à ce qu’on pouvait utiliser auparavant. »
Pourtant, tout ne fut pas toujours simple dans l’élaboration de ce projet. Il le concède. Entre le moment où ce joli habitat a été choisi pour servir de maison-test et la réalisation des travaux, José a parfois trouvé le temps un peu long. « On a même préféré favoriser la réfection de l’isolation extérieure de la maison, bien que c’était plus cher, indique-t-il. Cela nous évitait de devoir déménager pendant deux ans en cas de rénovation intérieure. On ne va pas se le cacher : cela reste assez coûteux à l’achat. Mais on est bien content d’habiter dans une maison refaite en matériaux recyclables et écologiques. »
Lui, le simple locataire, semble conquis par l’expérience. Au point de s’imaginer un jour propriétaire d’une habitation semblable ? « Tout à fait, assure-t-il. Ma femme et moi n’avons pas attendu d’être ici pour être très sensibles à la donne écologique. Ce serait certainement plus cher au départ, mais on ferait probablement l’effort. On est complètement concerné par cette évolution nécessaire de l’habitat. »
Cet élagueur pour la municipalité, passionné de son métier, semble profondément heureux de vivre dans une ville dont les valeurs lui parlent. « On sent la population majoritairement attentive et réceptive au développement durable et aux changements nécessaires pour permettre de réduire les consommations énergétiques. Avant, on entendait souvent que les « employés municipaux étaient des fainéants ». Aujourd’hui, plus personne ne nous dit ça. Les gens ont bien conscience que notre travail porte ses fruits. On explique parfois à la population les raisons qui font qu’on ne coupe pas tel ou tel arbre, que c’est mieux pour la biodiversité. Cette sensibilisation de tous les jours fait aujourd’hui clairement partie de notre métier. C’est plaisant et gratifiant. Participer à ça, à notre humble échelle, c’est aussi apporter une pierre à l’édifice d’un mieux-être pour tous.»
Cédric (38 ans),
patron du bar-brasserie « L’Artiste »
« J’habite ici depuis 4 ans. Cette ville est spéciale par rapport aux autres, c’est une réalité qu’on ressent vraiment. Cette volonté de réaliser des économies est réelle. D’ailleurs, pour toucher les gens dans une démarche écologique, il est important de leur expliquer d’abord, économiquement, ce que cela va leur rapporter. Leur faire comprendre qu’ils peuvent aussi gagner de l’argent en agissant pour l’écologie, c’est bien plus efficace. Je suis commerçant, et je sais qu’une petite économie quotidienne est une vraie grande économie sur le long terme. Par exemple, en allant acheter des pommes-de-terre chez le petit agriculteur du coin, elles me coûtent moins cher et sont excellentes. La tenante de la friterie qui est juste à côté de mon établissement disait qu’elle avait de grosses factures d’électricité ? Je lui ai montré qu’elle pouvait faire des économies en changeant les gros spots qu’elle utilisait pour les remplacer par des LED. Et ça marche, elle l’a vu sur ses dernières factures ! On s’entraide et ça crée une vraie réflexion collective. Au jour le jour, on observe le frémissement particulier qu’il y a dans cette ville. On reçoit par exemple beaucoup de délégations, d’universitaires ou de journalistes qui viennent à Loos-en-Gohelle pour venir voir ses spécificités. La municipalité communique aussi beaucoup pour que l’on puisse savoir tout ce qui est mis en place dans la commune. Tout ce qui est fait ici rejaillit forcément sur l’image de la ville et de ses habitants. Je sens les gens réceptifs à ça.»
« Même si je n’habite plus à Loos-en-Gohelle aujourd’hui, j’y ai habité longtemps et j’y reviens régulièrement. Ici, il y a un excellent travail mémoriel qui a été réalisé. On pense évidemment au travail des mineurs mais aussi à tout ce qui s’est passé en rapport à la Première Guerre Mondiale. C’est une ville qui prend des initiatives, c’est bien. Tout ne saute pas toujours forcément aux yeux des habitants, mais quand on vous fait remarquer qu’il y a eu des changements, on ne peut que les vérifier.
Au niveau de la médiatisation, on parle quand même beaucoup de la ville. Parfois, des choses sont faites ici et moi, qui suis souvent de passage, je ne m’en rends pas compte. Mais c’est ma grand-mère, qui habite à Hénin-Beaumont, qui m’appelle pour me dire « T’as vu ce qui a été fait à Loos-en-Gohelle ? ». Elle l’a vu à la télévision ou en lisant le journal. Et c’est même elle qui me prévient de l’avancement des projets ! »
Samuel (18 ans)
TEXTES
Magalie GHU, Grégory LALLEMAND
PHOTOGRAPHIES
Séverine COURBE, Johan BEN AZZOUZ,
Philippe PAUCHET, Delphine PINEAU, Ville de Loos-en-Gohelle,
Odile ZIBRET
VIDEOS
Johan BEN AZZOUZ, Jean-François SOLERI
MISE EN PAGE
Quentin DESRUMAUX, Kilian DOR
REDACTION EN CHEF
Jean-Michel BRETONNIER
200
200 réunions d’information et de concertation dans le mandat précédent
400
400 visites de la commune depuis 2002 (techniciens, élus, chercheurs, étudiants)